Ted Morgan

Un petit garçon naquit à Auckland, en Nouvelle-Zélande, un vendredi matin. Le 9 mai 1969, ce petit être qui poussa son premier cri n’imaginait pas la vie qu’il était sur le point de vivre.

D’abord, il y eu les sons, bien plus forts que ceux auxquels il était habitué. Puis, les couleurs. Une multitudes. Certaines agréables, d’autre beaucoup moins. Enfin, les odeurs. Comment pouvait-on sentir autant de choses différentes en même temps ?

Mais, le plus étonnant, étaient les sensations. Il y avait le froid, le chaud, la faim, une chose étrange qu’on posait sur son corps, dans sa bouche, sur sa tête. Ce qu’il préférait, c’était quand il était bien serré et qu’il sentait de légers mouvements. Parfois, une voix chantait doucement. A qui était-elle ?

Ce ne fut que bien plus tard que Ted apprit que cette voix n’était pas celle de sa mère. Ni les bras qu’il sentait autour de lui d’ailleurs. La femme qui l’avait mise au monde ne s’était jamais vraiment sentit un instinct maternel. A en croire son père, elle s’était bien occupé de lui. L’avait nourrit, lavé, changé et avait subvenu à tous ces besoins. Jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus faire davantage et que sa dépression prenne l’ascendant sur l’amour qu’elle portait à son fils.

Ted ne se souvenait pas de sa mère. Il n’avait en tête que l’image qu’il avait vu sur de vieilles photographies. Parfois, il aurait aimé en avoir davantage. Il se sentait coupable de ne pas se souvenir d’elle. C’était sa tante, Waverly, qui l’avait élevé. Son père, Henry, lui avait toujours montré un amour inconditionnel et un soutien sans faille mais son travail l’éloignait souvent de la maison. Etre général de l’armée n’était pas sans responsabilité.

Ted ne lui en voulait pas. Sa tante était gentille et aimante et il passait beaucoup de temps avec sa voisine, Lucy, qui avait son âge. Bien vite, les deux enfants furent inséparables et leur complicité perdura en grandissant.

Le jeune Morgan admirait son père plus que tout. Il voulait suivre ses traces et devenir, lui aussi, un général médaillé. En grandissant, son objectif ne changea pas mais il n’avait plus les mêmes raisons. Aider. Servir. Protéger. Voilà ce qui motiva l’adolescent lorsqu’il alla s’engager l’année de ses dix sept ans.

Bien qu’en ayant conscience depuis toujours, Ted attendit ses dix neuf ans pour avouer sa différence à son père. Il ne doutait pas de l’amour que ce dernier lui portait mais qu’en serait-il de son respect lorsque le général apprendrait que son fils aimait les hommes ? Dire qu’il n’avait pas d’appréhension aurait été faux mais il ne montra jamais à son père à quel point il était soulagé, et fier, qu’il le prenne aussi bien. Henry Morgan n’était pas un homme démonstratif de nature et il ne questionna jamais son fils sur sa vie privée mais ce furent des petits gestes du quotidien, des regards entendus et des occasions laissées qui assuraient à Ted que son père l’acceptait tel qu’il était.

Le jeune homme restait cependant discret au sujet de sa vie personnel. Sans se cacher pour autant, il  ne l’affichait pas en permanence. D’une part, cela ne regardait personne d’autre que lui. D’autre part, une trop grande démonstration pouvait rendre sa vie et son travail bien plus difficile. Il choisit donc de se consacrer à son travail et de faire preuve d’un professionnalisme à toute épreuve. Il ne dérogea à sa propre règle qu’une seule fois.

Après des années de service de terrain, spécialisé dans l’infiltration et l’espionnage, alors qu’il venait de passer formateur, il ne put refouler les sentiments qu’il éprouvait à l’égard d’une des recrues qu’on lui avait assignée. Noa était plus jeune que lui mais tout portait à croire qu’il n’était pas indifférent non plus. Quelques mois après le début de la formation, les deux hommes commencèrent à se voir en dehors du cadre militaire. Lorsqu’il fut envoyé en Afghanistan après les attentats contre New-York, Ted eut plus de mal que jamais à obéir aux ordres et faire sa valise. Noa ayant finit sa formation entre temps, ils finirent par perdre le contact, au grand damn de Morgan.

Ted enchaina les missions de six à quatorze mois au Moyen-Orient, ne bénéficiant que de permissions de quelques semaines quand la situation le permettait. Officiellement, il faisait partie d’une escouade de renseignements. Il devait obtenir des informations sur l’ennemi et découvrir un moyen de l’atteindre. Il était hors de question de laisser un attenta comme celui du onze septembre se reproduire. Mais, le soldat passa beaucoup de temps à combattre et protéger la population avec les autres unités. C’était la seule façon de pouvoir progresser suffisamment pour espérer glaner des informations. Ted dut faire beaucoup de choses qui le hantaient encore aujourd’hui mais il savait que toutes avaient été nécessaires dans la situation dans laquelle il se trouvait. C’était la seule certitude qui lui permettait de rester debout.

Il permit, à plusieurs, reprises, de déjouer des tentatives ennemies. Il échoua d’autres fois. Et chaque échec lui pesait mais il fallait continuer à faire son travail. Continuer à aider. A servir.

Souvent il pensa à Noa. Devait-il l’appeler ? Le laisser tranquille ? Ted n’avait jamais été un grnd optimiste. Noa avait une dizaine d’années de moins que lui. Il l’avait sûrement déjà oublié et était passé à autre chose.

Finalement, ce ne fut pas la fin de la menace terroriste qui ramener Ted chez lui mais le décès soudain de son père. Le fils Morgan ne s’y attendait pas et ce fut pour lui comme un coup de massue. Cet homme qu’il avait toujours admiré n’était plus. Emporté par une crise cardiaque, il avait disparu du jour au lendemain. Rapatrié pour les obsèques, Ted eut beaucoup de mal à se remettre de ce choc affectif. Ce fut sa meilleure amie, Lucy, qui lui permit de se maintenir à flot. Durant de long mois, le soutien sans faille de la jeune femme lui fut une aide précieuse.

Un soir où ils avaient tous deux beaucoup trop bu, il firent une erreur qu’il ne regrettèrent pourtant ni l’un ni l’autre. De cette nuit improbable naquit une petite fille. Emy avait les cheveux blonds et les yeux bleus de sa mère mais le regard et le sourire étaient définitivement teintés de la marque de Ted. L’enfant était magnifique mais une tragédie vint marquer le jour de sa naissance. Il y eut des complications durant l’accouchement et Lucy y perdit la vie. Un drame de plus dans la vie des Morgan.

Lorsque Ted plongea le regard dans celui de sa fille pour la première fois, il lui fit la promesse muette de toujours prendre soin d’elle, quoi qu’il arrive.

Les premières semaines furent difficiles. Seul avec un nouveau né, Ted se sentit gauche et avait l’impression de faire bêtise sur bêtise. Il appelait sa tante plusieurs fois par jour pour avoir des conseils sur la façon de coucher Emy, de la laver, sur le dosage du biberon et même l’inclinaison qu’il devait lui donner pour être sûr qu’elle mange bien. Waverly s’en amusait beaucoup et finissait, bien souvent, par venir chez lui et lui montrer les bons gestes tout en lui assurant que, quoi qu’il fasse, cela irait.

Emy n’avait que deux semaines lorsque, perdu devant la quantité astronomique de marque de couches, Ted fit une rencontre à laquelle il ne s’attendait absolument pas. Etait-ce bien Noa qu’il venait de voir passer au bout du rayon ? Poussé par la curiosité, et peut-être bien autre chose, Morgan choisit les couches au hasard et poussa son caddie dans la direction du jeune homme. Emy, solidement arrimée sur sa poitrine, il sourit en croisant le regard du tatoué.

Un an plus tard, ils aménageaient ensemble dans une maison qu’ils achetèrent à Wellington. Noa était adorable avec Emy et agissait comme s’il s’agissait de sa propre fille. Au-delà du soutien énorme que cela représentait pour lui, Ted était ravi de la tournure que prenaient les choses. Il aimait sincèrement Noa, avait été heureux de le retrouver et comblé qu’il accepte aussi facilement Emy. De plus, cela représentait aussi beaucoup pour la fillette qui, à défaut d’avoir un père et une mère, bénéficiait tout de même de l’amour et de l’attention de deux parents.

Bien que Ted ait dû reprendre le travail, il restait tout de même très présent pour sa famille. Il s’arrangeait pour que ses missions ne soient pas trop longues et qu’il puisse revenir régulièrement, même s’il ne restait pas toujours longtemps.

Durant les années qui suivirent, il fut envoyé sur les missions RAMSI afin de pacifier les îles Salomon en pleine tensions. Différentes milices affrontait les gouvernements plus ou moins violemment. L’action internationale visa à la fois à démilitariser les milices et à mieux former la police locale. C’est cette dernière mission qui constitua la principale occupation de Ted.

Fin 2012, Ted est envoyé en infiltration auprès d’un groupe soumis aux pressions d’une de ces milices, la Solntsa. Il parvient à convaincre les civils que la milice n’était pas la solution à leurs problèmes et déjoua ainsi les projets de recrutement du groupe dissident. Ce qu’il ne savait pas, c’était que ses actions ne furent pas oubliées par la Solntsa. Il ne remarqua pas qu’un membre de cette organisation le fila durant les mois qui suivirent. Quelques semaines plus tard, alors que Ted surveillait un exercice en situation réelle de la police des îles Salomon, l’un des policiers locaux le percute involontairement et le néo-zélandais se rattrape de justesse à une branche d’arbre couverte de pollen. Il est prit d’une quinte de toux alors que le policier se recule vivement avant de partir en s’excusant. Ted met rapidement l’incident de côté sans savoir que cela n’avait en réalité rien d’involontaire.

Durant les mois qui suivirent, l’homme continue sa routine, mettant son manque de patience et son irritabilité sur le compte de la fatigue. Jusqu’au jour où il s’en prend violemment à Noa. Ce jour-là, il ne dormit pas de la nuit. Il s’en voulait de son acte et se promis de faire plus attention à l’avenir. Il ne fallait absolument pas que cela se reproduise. Mais, malgré ses efforts et sa demande de congés afin de se reposer, il se surprit à de nombreuses reprises à devoir retenir ses gestes. Malheureusement, il n’y parvint pas toujours et cela commença à l’effrayer. Et si c’était permanent ? Et s’il s’en prenait à Emy aussi ? Cette idée lui était insupportable. Alors il se mit à travailler plus.

Effrayé de devenir une menace pour sa fille, Ted s’occupa, en secret, de désigner Noa comme tuteur légal pour Emy au cas où il lui arriverait quelque chose et, lorsqu’il se réveilla une nuit, en entendant des voix et se rendit compte qu’il se tenait devant le lit de la fillette, son arme de service chargée à la main, il quitta la maison en silence et se rendit chez un ami médecin. Celui-ci lui diagnostiqua des troubles bipolaires et de légères hallucinations auditives. Cela finit de convaincre Ted qu’il était un danger pour sa famille et demanda immédiatement à repartir en mission.

Quelques jours plus tard, une homme qu’il ne connaissait pas prit contact avec lui et lui proposa de travailler pour une organisation secrète de la plus haute importance. Persuadée que cela mettrait Emy et Noa en sécurité, Ted partit sans un mot, la boule au ventre.

Il travailla pour cette organisation, appelée RESO, durant plus de trois ans. Il apprit l’existence de la Porte des étoiles et des extra-terrestres. Il apprit également que les gouvernements mondiaux ne faisaient rien pour fournir à la Terre la protection dont elle avait besoin et participa à créer des tensions entre les différents gouvernements membres. Lorsqu’il n’y aurait plus de cohésion entre eux, le RESO pourra prendre le contrôle de l’artefact et réellement défendre la planète. Ses talents d’espionnage et de persuasion firent leur office. Avec le temps, les dissensions devinrent des tensions et certains gouvernement étaient même sur le point de quitter le SDT.

Lorsqu’il apprit que Noa travaillait pour cette organisation inutile, il en fut ébranlé. Comment l’informaticien avait-il pu se faire embrigader là-dedans ? Il était pourtant bien plus malin que ça ! A moins que, … Ted commença à se questionner sur les objectifs de ses employeurs qu’ils n’avaient encore jamais vu. Mais il était face à un dilemme. Le RESO avait un traitement contre sa maladie. Voilà des semaines qu’il n’avait plus entendu cette voix étrange qui parlait dans sa tête et qu’il n’avait pas eu de perte de contrôle violente. Il avait besoin de ce traitement mais le RESO ne lui permettait pas d’en emporter avec lui à moins qu’il ne parte en mission pour plusieurs jours. Sans son injection quotidienne, l’effet se dissipait très vite.

Alors il fit ce qu’il faisait le mieux. Il espionna. En continuant les missions pour le RESO, Ted en profitait pour se renseigner sur l’organisation mais surtout sur le SDT et ses actions réelles. S’il était tel que ses collègues le décrivait, alors Noa était compromis et il était hors de question de lui laisser la garde de sa fille. Mais s’il avait raison, …

Dès lors, Morgan garda traqua toute mention de son compagnon dans les rapports ou les conversations. Il apprit qu’il faisait parti d’une équipe d’exploration, JP-1, et que Emy était confiée à une nourrice durant ses absences. Il se renseigna aussi sur les antécédents de cette femme et finit par se rendre à l’évidence, Noa était un bon père. Meilleur qu’il ne le serait lui-même jamais.

Ce fut trois ans après son intégration que Ted décida de quitter le RESO. Les agissement violents de l’organisation, via des satellites contrôlant le climat, avaient failli couter la vie à Noa et mettre sa vie en danger. Il compris alors que le RESO ne souhaitait pas protéger la planète mais simplement en prendre le contrôle. Il lui fallut plusieurs semaines avant d’être de nouveau envoyé en mission pour plusieurs jours. L’occasion pour lui d’obtenir plusieurs dose de traitement ainsi qu’une seringue hypodermique pour se l’injecter. Mais, au lieu de rejoindre l’Allemagne comme il était prévu, il prit l’avion pour le Kenya. De là, il rejoindrait la Russie et finirait par prendre un vol vers les Etats-Unis. S’il contactait Noa, il avait peut-être une chance de se faire pardonner et les médecins du SDT parviendraient peut-être à reproduire son traitement.

Mais il n’eut jamais l’occasion de le savoir. Alors qu’il descendait de l’avion à Colorado Springs, nerveux  et excité à la fois à l’idée de revoir sa famille, un trio d’agents vêtus de costards l’arrêtèrent et le conduisirent une zone sécurisée où ils l’enfermèrent dans une cellule. Ted ne comprenait plus rien. Il avait échappé de peu à une tentative d’assassinat à Moscou et s’attendait à ce que le RESO tente de nouveau de le tuer, pas qu’ils prennent le risque de l’arrêter.

Le trio lui donna un dossier. Lorsque Ted l’ouvrit, il sentit son sang se glacer dans ses veines. Le dossier comportait des photos d’Emy ainsi que l’adresse de son école, le nom de son enseignant et celui des enfants avec lesquels elle jouait. Il précisait qu’elle jouait au foot et apprenait la guitare, qu’elle aimait les échecs et la glace au caramel. Le militaire n’eut pas besoin qu’on lui fasse un dessin. S’il ne reprenait pas sa place au sein du RESO, sa fille devenait une cible prioritaire. Il n’avait pas le choix. C’était un risque qu’il n’était pas prêt à prendre.

Mais, lorsque tout se précipita et que la fin se fit proche, Ted ne perdit pas de temps. Son plan était déjà tout tracé depuis longtemps. Il ne restait plus qu’à l’exécutait et, plus il serait rapide, mieux ce serait. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’était que Noa enverrai Emy sur le JPS pour la mettre en sécurité. Une sécurité toute relative mais Ted était bien décidé à ce que rien n’arrive à sa fille.